ourd’hui, la majorité des thérapeutes préconise le jeûne comme outil thérapeutique. Même les religions ont intégré le jeûne comme pratique fortement conseillée. Elles ont bien compris l’intérêt sanitaire du jeûne. De tout temps, il a accompagné l’humanité et semble, à juste titre, retrouver enfin ses lettres de noblesse. Son origine remonterait au début des temps, à cette époque où l’Homme était encore dans l’animalité. En effet, comme le font encore les animaux aujourd’hui, il s’écartait des autres et arrêtait de se nourrir suite à une blessure ou à une maladie. Il permettait ainsi au processus naturel de régénération de faire son œuvre si cela lui était encore possible.
I – Un coup de jeûne ?
1) Un peu d’histoire
Si Hippocrate recommandait le jeûne, c’est aux Etats Unis que les Dr Jennings et Tilden permirent au jeûne de prendre sa place dans la palette des moyens thérapeutiques. Le Dr Buchinger, médecin allemand, créa le premier établissement privé où le jeûne était proposé. Le Dr Nikolaïev, médecin soviétique, utilisa le jeûne chez quelque 1 500 personnes souffrant de troubles psychiatriques graves. Une amélioration significative a été observée chez 70 % d’entre eux. Le Dr Kousmine a fait du jeûne un des piliers de sa méthode de traitement du cancer, de la polyarthrite et de la sclérose en plaques. Aujourd’hui, les Dr Curtay et Rueff, pionniers français de la nutrithérapie, prônent le jeûne au sein de leurs programmes pour une vie longue en bonne santé.
2) Un concept qui s’est transformé
La recherche spirituelle s’en est emparée car jeûner conduit à méditer. Le jeûne fait, dès lors, partie du chemin intérieur qui conduit à l’ultime vérité.
Dès l’Antiquité également, suivant les conseils d’Hippocrate (460-377 avant J.-C.), les premiers médecins proposèrent le jeûne avant même de prescrire à un quelconque traitement. L’objectif est avant tout de respecter la sagesse du corps. En effet, de la même façon que le sommeil permet de se régénérer au niveau fonctionnel des épreuves physiques et psychiques de la veille, le jeûne permet de se remettre des dysfonctionnements et des lésions tissulaires et organiques.
Plus tard, le jeûne thérapeutique s’est complété d’un volet préventif, dans le but de conserver un bon état de santé le plus longtemps possible. Dans le même temps, sont apparues les cures de détoxication.
Parmi tous ces aspects, les plus importants pour l’homme moderne, sont ceux qui concernent les rubriques prévention et thérapie.
3) Le remède à une alimentation défaillante
Le jeûne apporte une aide dans l’actuelle abondance alimentaire de nourriture et sa qualité nutritionnelle médiocre, surtout quand elle repose sur des produits industriels. Des défis qui ne figurent pas dans la programmation de la physiologie humaine et qui deviennent un empoisonnement
en surpassant les capacités d’adaptation de l’organisme.
II – Les diverses dimensions du jeûne thérapeutique
Dans son acceptation première, le jeûne est l’abstention volontaire de tout aliment autre que l’eau. Cette forme est dite jeûne complet. Depuis, sont apparus :
Le jeûne sec : complet et sans eau, fortement déconseillé du fait que l’être humain ne peut survivre plus longtemps que trois jours sans boire.
Le jeûne partiel : cures au cours desquelles les apports sont limités à une catégorie alimentaire, par exemple, jus de fruits, de légumes, d’herbe de blé, pour un apport énergétique ne dépassant pas les 300 Kcal/j.
Le jeûne intermittent : un terme générique qui regroupe de nombreuses adaptations du jeûne complet aux exigences de la vie moderne.
Le régime mimant le jeûne : deux à quatre jours de jeûne complet à l’eau séparés par au moins une semaine d’une alimentation habituelle.
III – Quelques déclinaisons du jeûne intermittent
1) Le jeûne partiel deux jours par semaine ou jeûne 5/2
Calqué sur ce que l’on sait de la façon de s’alimenter au paléolithique (alternance entre cinq jours d’alimentation normale et deux jours de restriction calorique, repas pris entre le lever du jour et la tombée de la nuit), il respecte au mieux les rythmes biologiques du corps humain.
2) Le jeûne partiel un jour sur deux
Variante qui consiste à ne consommer un jour sur deux que le quart de ses apports caloriques habituels.
3) Le jeûne 16 heures par jour ou jeûne 16/8
Il se décline en deux versions : soit un jeûne de 15 heures à 7 heures le lendemain : pas de goûter ni de dîner. Soit un jeûne de 20 heures à 12 heures le lendemain : pas de petit-déjeuner ni de pause casse-croûte dans la matinée. Du fait qu’elle respecte la physiologie digestive, la version 15 h/7 h semble plus adaptée. L’application simultanée d’un régime alimentaire pauvre en glucides voire cétogène rend sa tolérance bien meilleure.
4) Le jeûne complet un à deux jours par semaine
Il se décline lui aussi en deux versions : soit un jeûne de 00 h 00 à 24 h 00 ou un jeûne depuis une certaine heure jusqu’à la même heure le lendemain. Sa tolérance est souvent médiocre lors des premiers jours de jeûne de sorte que le passage préalable par la forme 16/8 est préférable.
5) Le jeûne un jour sur deux
Il s’agit d’une variante avancée de la précédente.
6) Le jeûne spontané
Il consiste à sauter un repas de temps en temps, notamment lorsque ne sont pas remplies les conditions pour un repas sain pris dans une atmosphère tranquille. Particulièrement adapté aux personnes dont le rythme de vie est irrégulier, situation que beaucoup de travailleurs connaissent aujourd’hui, il évite les effets nocifs de la malbouffe.
Se mettre au jeûne ne se décide pas sur un coup de cœur ou de tête. Le non-respect des règles de précaution peut conduire à des effets indésirables sévères. Ainsi, est-il fortement recommandé de consulter préalablement un médecin nutrithérapeute qui procédera à un examen clinique et prescrira un bilan sanguin habituel et micronutritionnel.
IV – Le fonctionnement thérapeutique du jeûne
Un ensemble de réactions biochimiques est nécessaire pour que les différents systèmes indispensables à la pérennisation du processus vital fonctionnent de façon optimale, quelles que soient les stimulations environnementales.
Au repos, seules les fonctions essentielles continuent d’œuvrer. Les dépenses énergétiques qu’elles causent, représentent environ 70 % du métabolisme total, en contexte ordinaire. Comme les apports alimentaires sont périodiques voire irréguliers, l’organisme stocke les substrats énergétiques (glucides, lipides, protéines) ingérés en excès au moment des repas. Ensuite, il puise dans ces mêmes réserves tout au long de la journée et de la nuit, en fonction des besoins de l’instant.
En cas de disette ou de restriction calorique volontaire, la seconde phase de cette programmation est amenée à durer plus longtemps avec, pour conséquences, des effets sur l’organisme très spécifiques.
1) Modifications biochimiques induites par le jeûne
Physiologiquement, pendant la nuit, les besoins énergétiques de repos sont satisfaits grâce à l’oxydation des glucides pour environ 40 à 50 %, des lipides pour 30 à 40 % et des acides aminés pour seulement 15 à 20 %.
Dès que le jeûne dépasse la demi-journée, le métabolisme de base diminue. Plus le jeûne est long, plus le métabolisme de base continue de diminuer . Ensuite, il se stabilise aux alentours des 60 % de sa valeur de départ.
La production de glucose qui est assurée par le foie va rapidement baisser ainsi que son utilisation.
L’insuline est moins sécrétée, ce qui stimule la lipolyse (destruction des graisses). Les acides gras ainsi libérés sont transformés en corps cétoniques par le foie et les muscles afin de produire l’énergie nécessaire à tout l’organisme et notamment au cerveau. Dans le même temps, la sécrétion de glucagon augmente, ce qui incite le foie à la glycogénolyse, à la néoglucogenèse et à la cétogenèse.
La thyroxine (T4) est inactivée sous forme de T3 inverse, ce qui réduit le métabolisme de base.
2) Le foie et les corps cétoniques
Au nombre de trois, ce sont les produits de dégradation des acides gras par le foie : l’acétylacétate (AcAc), l’acide bête-hydroxybutyrique (BHB) et l’acétone. Les deux premiers servent de carburants pour le cerveau et le coeur. L’acétone, produit de dégradation de l’acétylacétate, est éliminée par les voies naturelles, dont l’haleine qui prend une odeur acidulée. Leur production est permanente, à un niveau faible toutefois. Elle augmente lors du jeûne dès que celui-ci est mené de façon prudente.
En même temps, les réserves protéiques stockées dans les muscles, sont mises à contribution par le foie pour produire du glucose. La protéolyse est supérieure à la protéosynthèse avec, pour manifestation principale, une baisse progressive de la masse musculaire.
Tous ces phénomènes diminuent d’intensité avec le temps. Ainsi l’être humain est capable de survivre à un jeûne de 60 jours et parfois plus.
3) Au niveau cérébral
Dans un premier temps, la sécrétion de plusieurs neuromédiateurs est stimulée (dopamine, noradrénaline, sérotonine). Elle a pour effets, un sentiment d’euphorie et d’excitation et une tendance à l’hyperactivité physique.
Puis, lorsque les réserves lipidiques et protéiques sont bien entamées, cette sécrétion est amoindrie. Cela se traduit cliniquement par des troubles de l’humeur (baisse du seuil de tolérance au stress, anxiété, pensées dépressives), du sommeil (difficultés à l’endormissement, réveils nocturnes, etc.), de l’attention et de la concentration.
Dans le même temps, la sensation de faim réapparaît. Elle doit être impérativement respectée sinon une anémie sévère s’installe (conséquence du manque de fer et de vitamines B9 et B12, éventuellement). Le capital osseux diminue et le tissu hépatique se fibrose…
4) Modifications cliniques induites par le jeûne thérapeutique
Sur le plan clinique, les manifestations du jeûne sont, elles aussi, multiples et varient fortement selon sa durée.
Au cours des premiers jours, ce sont surtout :
– Langue saburrale, haleine de bonbon anglais (acidulée), constipation.
– Sensation de mal-être, difficulté de concentration, voire maux de tête.
– Frilosité, fatigue.
– Hypotension orthostatique responsable de malaises à type de vertiges.
Puis, ce cap étant passé :
– Sensation de légèreté, d’acuité intellectuelle accrue, de clarté de la pensée,
– Amélioration de la qualité du sommeil. Au terme d’un jeûne de sept jours, des sujets sans surpoids sont moins sujets aux réveils nocturnes.
– Amaigrissement affectant d’autant plus la masse musculaire qu’une activité physique minimale n’est pas pratiquée dans le même temps.
– Aggravation des déficits micronutritionnels préexistants au risque de créer de véritables états carentiels.
À plus long terme, notamment lors des jeûnes politiques et ascétiques :
– Réapparition torturante de la faim,
– Inversion de l’humeur avec irritabilité, angoisse, dépression,
– Troubles du sommeil,
– Difficulté de concentration, etc.
L’intensité de ces différentes manifestations est toujours proportionnelle à la durée du jeûne et à son degré de sévérité.
En d’autres termes, un jeûne court produit plus d’effets bénéfiques que d’inconvénients. Par contre, on observe qu’un jeûne long a pour conséquence majeure une inversion de la balance bénéfices-inconvénients.
5) le jeûne cultuel et la préservation de la santé
De nombreuses dérogations au jeûne cultuel existent afin d’éviter de mettre en danger la santé des personnes fragiles. Parallèlement, quelques études sont menées afin d’évaluer les allégations thérapeutiques de ces différents types de jeûnes.
Le jeûne chez les chrétiens améliore les chiffres tensionnels, le profil des graisses dans le sang, la sensibilité à l’insuline. Il réduit le stress oxydatif.
Le ramadan, quand il est rigoureusement suivi, stimule la diversité alimentaire. Il présente les mêmes avantages que le jeûne 16/8, notamment la perte de poids.
V- Un manque d’orientations officielles
Ailleurs dans le monde, le jeûne « grandit » et les mentalités changent. Encadré médicalement en Allemagne, en Russie et aux États-Unis, il est même parfois remboursé. La période est charnière, entre intérêt prudent de la médecine, engouement du public, et manque de financement pour la recherche. Les expériences thérapeutiques s’accumulent et les orientations officielles clairement définies tardent à venir.
La responsabilité incombe aujourd’hui à chacun de pratiquer, d’encadrer et de communiquer intelligemment sur une démarche naturelle à la fois millénaire et encore méconnue, tant il reste de questions sur ses effets physiologiques.